La fratrie recomposée


Quand on tombe en amour, on voit tout avec nos belles grandes lunettes et on voit tout en rose, en lilas et en bleu poudre! Tout flotte, tout fonctionne, et on se dit qu’il n’y a rien là que notre nouvelle flamme ait déjà 1, 2 ou 3 enfants.

On se dit qu’on va tous vivre ensemble sous le même toit, et tout le monde va s’aimer, et qu’on va danser et faire une ronde en se tenant les mains et en chantant. Rien ne peut vraiment mal tourner puisqu’on s’aime. On va se refaire une famille, un nid. On va se recomposer.

Welcome to reality! Le défi est immense et réel. Il est surtout unique, car chaque famille recomposée est unique. Ce qui marche pour une ne marche pas nécessairement pour l’autre. Il y a beaucoup trop de paramètres à prendre en compte, comme l’âge et le caractère des enfants, le nombre d’enfants, les ex, la culture de l’autre, l’éducation… et j’en passe.

Il ne faut surtout pas oublier que ce n’est pas seulement moi et mon chum qui avons vécu cette adaptation, mais tous les enfants aussi. Et eux, personne ne leur demande leurs avis. Surtout quand ils sont très petits.

J’ai rencontré mon mari quand Alice avait 15 mois et Édouard avait 4 ans. Le même âge que Sophia. Cloé avait 2 ans. Moi, j’ai la garde quasi complète de Cloé et Sophia, et Alice et Édouard sont à la maison 1 semaine sur 2.

Nous avons traversé toute une gamme d’émotions et nous avons surtout vu les enfants s’adapter, se regarder de travers, se rapprocher. Mais, c’est pas du tout gagné. Eux, ils ne sont pas tombés en amour – ils ne se trouvent pas merveilleux et sans défauts.

Nous, on était tellement amoureux qu’on s’est vite rendu compte qu’il fallait qu’on ait des enfants ensemble. Lorsqu’un enfant naît de cette nouvelle union, je sais pas, c’est comme si ça venait souder les liens. Enfin, mes filles avaient un point en commun à partager avec Édouard et Alice, et vice versa. Comme si ça venait attacher tout ce beau monde-là ensemble. Faut préciser que déjà ces deux derniers sont demi-frère et demi-sœur.

On venait donc rajouter la même demi-sœur pour tous les 4 enfants déjà présents. Et eux, ils étaient très contents d’avoir une nouvelle poupée avec qui jouer. C’était pareil pour la deuxième (et c’est aussi le cas pour le troisième garçon qui s’en vient en juin 2018).

L’adaptation joue un grand rôle dans un contexte comme celui-là… Et varie certainement avec l’âge des enfants lorsqu’ils commencent à cohabiter. J’imagine que plus ils sont jeunes, plus l’intégration et l’attachement sont profonds. Ils grandissent ensemble et ils reçoivent l’éducation que nous avons mis en commun et que nous développons à chaque jour moi et mon mari – du moins, lorsqu’ils sont avec nous.

Il a vite fallu adapter nos techniques d’éducation pour les mettre en commun et surtout pour qu’elles soient juste envers tous les petits.  Certaines choses que je permettais à mes filles ou que mon mari laissait ses enfants manger ou faire ont dues être reconsidérées.  Au début, Édouard demandait pourquoi Sophia et Cloé pouvait faire çi ou ça ou manger ça. On vient vite à court de réponses et il devient normal avec l’arrivée des nouveaux enfants que les règles soient claires et pareilles pour tout le monde pour éviter les frustrations et le sentiment d’injustice.

Et puis un jour, …magie! En plus de souder les liens, nous avons vu les relations entre eux se transformer. Ils sont déçus quand les autres sont partis chez leurs mères respectives ou quand mes filles partent pour l’été chez mon ex. Ils nous demandent quand ils reviennent.

Édouard est même allé passer une semaine durant le temps des fêtes avec mes deux plus grandes filles cette année chez mon ex. J’avoue que lorsqu’il a demandé ça, on a fait un peu le saut! Il faut laisser le temps faire son oeuvre et surtout ne rien forcer entre eux.

Maintenant, les enfants ne font même plus la différence entre sœurs, demi-sœurs, quasi-sœurs. (Pour « quasi-fratrie », lorsque deux enfants vivent dans la même famille recomposée, mais n’ont aucun parent en commun). Ils se nomment tous entre eux : grand frère, frère, sœur, petite sœur, … alouette. Lorsque Cloé veut parler d’Édouard, elle dit « mon frère ». Même chose pour les autres. J’étais moi-même la première surprise, et la caissière au IGA aussi lorsqu’elle a offert une balloune à Cloé et que celle-ci a répondu :

— Est-ce que je peux en avoir aussi pour mon frère et mes 4 sœurs?

— Euh, oui… Bien sûr! Vous êtes 6 frères et sœurs?

— Oui, et un bébé frère bientôt aussi! dit-elle en pointant ma bedaine.

— Ooohh, grosse famille!  (Voir pourquoi j’adore ce commentaire ici)

— Oui… Merci?

Je ne sais pas trop si c’était un compliment…

Je suis consciente que nous sommes vraiment chanceux de l’entente harmonieuse des enfants et de l’amour qu’ils se portent mutuellement. J’imagine que ça ne doit pas être le cas dans chaque maison recomposée. Ils ont même envie de s’arracher les cheveux et se gossent autant que des frères et sœurs de même parents. Quel chance! 😉

Gardez vos lunettes roses, car la vie est belle!

Anne + 8

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